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Naufrages sur la côte est de la Martinique
rédacteur Max Guérout

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Sommaire
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Côte atlantique

L'atterrissage sur la côte Est de la Martinique

Le calcul de la longitude et l'estime

L'atterrissage proprement dit

Mécanique des naufrages sur la côte Est

Les derniers instants : Le navire pris dans la nasse

L'instant du naufrage : Quatre voies du destin

Les sites archéologiques

 

 

 

 

 

 

 

Côte atlantique

Exposée aux alizés, bordée d'un récif barrière corallien, la côte Est de la Martinique est très dangereuse pour la navigation et par ce fait une zone privilégiée pour la recherche d'épaves. Préalablement à tout travail dans cette zone difficile mais potentiellement si riche, il convenait de réaliser une analyse des causes et de la mécanique des naufrages sur cette côte afin de pouvoir délimiter des zones de travail et appréhender ce littoral découpé et souvent hostile avec un regard nouveau.
Un document remarquable publié en 1819 (1) expose avec clarté la situation, il va guider notre analyse.

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L'atterrissage sur la côte Est de la Martinique

Le calcul de la longitude et l'estime

Jusqu'à ce que l'usage du chronomètre entre dans les habitudes, l'évaluation de la longitude reste la grande difficulté des navigations transocéaniques. Longtemps la méthode utilisée reposera sur l'évaluation des temps de parcours (à l'aide du sablier), de la vitesse des navires (à l'aide de lochs) et du cap (à l'aide du compas magnétique). L'imprécision de la méthode rend toujours délicate l'appréciation du moment ou la terre va être aperçue : l'atterrissage.
Pour pallier à cette difficulté la méthode classique consiste à gagner, lorsque cela est possible, la latitude du lieu à atteindre puis à faire une route Ouest. L'incertitude sur la longitude étant compensée par une veille attentive lorsque le moment de l'atterrissage approche.

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L'atterrissage proprement dit

Il consiste, on l'a vu, d'une part à détecter la terre et d'autre part à reconnaître le lieu où l'on se trouve, et repose sur la visibilité des côtes ou des sommets voisins. Plus ces sommets sont élevés, plus la distance à laquelle ils peuvent être aperçus augmente. On n'hésite pas à veiller depuis la hune pour augmenter cette distance (2) « Les bâtiments qui viennent d'Europe s'étant mis en latitude de la Martinique, peuvent apercevoir d'une distance de 36 lieues (3) le sommet des plus hautes montagnes cependant lorsque les vents alisés les portent rapidement sur l'île, ces montagnes ne peuvent servir à la reconnaissance de la terre, parce qu'elles sont entièrement cachées par les nuages que produit l'évaporation de l'Atlantique » (4).
Les sommets les plus élevés : la Montagne Pelée et les Pitons du Carbet ne sont ainsi, la plus part du temps, d'aucun secours pour les navigateurs qui découvriront cependant les sommets secondaires comme les Montagnes du Vauclin à une distance d'environ 45 milles ce qui correspond à une distance de la côte d'environ 40 milles. Cette distance pourrait paraître largement suffisante pour que les capitaines puissent éviter le danger et contourner l'île par le Nord ou par le Sud. Cependant pour peu que l'atterrissage se produise de nuit sans précautions particulière ou sous la contrainte de facteurs extérieurs comme la crainte d'une croisière ennemie ou de corsaires, les navires peuvent courir les plus grands dangers.
Outre une veille attentive l'habitude veut que, lors de l'approche d'une côte sous le vent, on réduise la voilure pendant la nuit. Dans le cas ou la nuit tombe peu de temps avant le moment ou la terre aurait pu être aperçue, le navire se trouve on l'a vu à environ 40 milles de la côte. Pour éviter tout danger, il faut donc que sa progression soit inférieure à cette distance pendant la durée de la nuit. Là réside le grand danger pour les navigateurs inexpérimentés, car le courant permanent créé par les alizés, porte sur l'île et avoisine 2 noeuds. « La longueur de la nuit, sous le quinzième parallèle, est constamment de 11 à 12 heures » (5) et tout navire qui ne réduit pas sa voilure ou ne gagne pas dans le vent en louvoyant court le risque d'être porté sur les récifs avant le lever du jour. « A l'atterrage des Antilles l'identité de direction du vent et de la dérive produit une accélération de vitesse si grande que quoiqu'on puisse apercevoir la terre de 20 lieues, il est possible d'être à la côte avant minuit lors même qu'on a exploré soigneusement l'horizon au coucher du soleil et que la distance n'a pas permis de découvrir la cîme des montagnes secondaires » (6).
L'illustration la plus parfaite de ces considérations est le naufrage du navire négrier nantais L'Aigle survenu le 24 juin 1753 devant le Vauclin (7). L'Aigle est en route pour Saint-Domingue, lorsque le scorbut se déclare à bord : « (le capitaine prit) le party de faire route sur la Martinique et se mit en latitude de la dite îsle... (il mit) son équipage toute la journée à la teste de ses mats pour tacher de découvrir la terre au soleil couchant il y fit monter ses officiers à leur tour. Lesquels en descendus luy rapportèrent tous qu'ils n'avoient rien vu... (ils convinrent) de faire route jusqu'à dix heures du soir avec la prudente précaution de faire serrer toutes les menues voiles à l'entrée de la nuit. Environ les dix heures du soir l'officier de quart lui annonça la vue de trois feux à terre... (Il) fit mettre l'amure à tribord en gouvernant au Nord Quart Nord Est toutes les voiles hautes pour s'éloigner de terre... a violence du courant joins à la mer firent que le navire se trouva insensiblement tout près des ressifs… ». Vers une heure du matin l'Aigle touche la barrière de corail.
Nous ignorons combien de fois ce tragique scénario fût rejoué ? Mais il ne fait pas de doute que la fréquence de tels drames est élevée, comme en témoignent à la fois les sites d'épave dès à présent identifiés et les relations contenues dans les archives.

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Mécanique des naufrages sur la côte Est

Les derniers instants : Le navire pris dans la nasse

Avant que le navire ne touche le récif; il se trouve dans une situation dont il lui est impossible de sortir. Poussé par un vent qui mollit pendant la nuit, soumis au courant qui le rapproche inexorablement des écueils il se trouve confronté à un système de houle réfléchie par la barrière corallienne qui réduit à néant toutes ses tentatives pour virer vent devant ou lof pour lof. Toutes les descriptions concordent avec celle du capitaine de l'Aigle « Environ les minuits la mer étant extrêmement grosse et ne faisant presque point de route à peine le navire pouvant gouverner....(il) eut à peine connaissance de la terre mais avant d'en approcher d'avantage fit paravant virer de bord le dit navire qui....conduisit à manquer à virer » quelques instants plus tard, devant le danger pressant le sieur déclarant n'eût pas d'autre manoeuvre à faire que d'arriver lof pour lof (8) mais « il ne fût pas possible d'arriver aussi promptement qu'il ne l'avoient souhaité pour éviter le danger ».

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L'instant du naufrage : Quatre voies du destin

Lorsque le sort du navire est scellé et que le naufrage est certain les capitaines ont encore quelques expédients pour éviter la perte totale du navire, comme abattre les mâts ou jeter à la mer tout ce qui peut alléger le bâtiment. La chance peut aussi modifier le sort final. Nous avons identifié quatre cas qui peuvent alors se présenter :
Dans le premier cas le bâtiment est irrémédiablement brisé sur le récif extérieur. C'est le cas de l'Aigle et semble-t-il d'un autre bâtiment naufragé au même endroit quelques temps auparavant. « Environ une heure après minuit... le Sieur déclarant fit promptement couper les mats pour tâcher de faire entrer le navire entre les rochers mais bien inutilement car en moins d'un quart d'heure de tems il fut entièrement brisé... trois (hommes de l'équipage) furent se mettre dans la carcasse d'un navire anciennement perdu au même endroit. » Peuvent être rattachés à ce cas celui des navires qui abordent la Martinique au Sud du Cap Ferré, là ou le récif barrière rejoint le récif côtier pour ne former qu'un seul danger (9).
Il advient pourtant que la manoeuvre désespérée du capitaine réussisse aidée par le hasard. Le récif n'est pas partout aussi dangereux et la mer lorsqu'elle est forte peut tirer le navire du mauvais pas ou elle l'a mis en lui faisant franchir les dangers. Cela ne va cependant pas sans avaries aux oeuvres vives du navire et son sort va dépendre de sa capacité à se maintenir à flot.
Le premier danger évité, le navire se trouve ainsi devant un danger plus terrible encore. Ce second cas est illustré par la perte d'un navire anglais. « En 1797, un navire anglais de 600 tonneaux ayant atterri la nuit sur cette côte, qui lui était inconnue, il s'engagea dans la chaîne extérieure des récifs du Sans-Soucis; bientôt les vagues le portèrent au delà dans l'intervalle entre la première et la seconde chaîne, il y coula presque sur le champ, sans qu'on put donner le moindre secours à son équipage. Au point du jour on n'en aperçut d'autre vestige que l'extrémité de son grand mât qui dominait encore les flots. » (10).
L'exemple du troisième cas nous est fourni lui aussi par Moreau de Jonnès. « En 1808, le brick français le Palinure s'étant emparé après un combat glorieux d'un bâtiment ennemi... les deux navires atterrirent au vent de la Martinique par une nuit obscure et tombèrent au milieu de la croisière anglaise. Leurs efforts pour fuir ce danger les précipitèrent dans un autre, poussés par une brise carabinée ils donnèrent toutes voiles dehors sur les récifs qui s'étendent de la Pointe du Sans-Soucis à celle du Vauquelin. Leur tirant d'eau peu considérable, et surtout l'impulsion puissante du vent, du courant Atlantique et des lames du large leur firent franchir, au milieu des vagues dont ils étaient entièrement couverts, les deux chaînes parallèles de récifs élevées en cet endroit jusqu'au dessus du niveau de la mer et lorsqu'ils imaginaient courir inexorablement à leur perte, ils se trouvèrent dans les eaux tranquilles d'un port ou ils n'avaient rien à craindre ni de la tempête ni de l'ennemi; Il est inutile de dire que les cuivres de leur doublure furent enlevés, leur bordages enfoncés et qu'ils ne se soutinrent sur l'eau que par l'action de toutes leur pompes et la promptitude des moyens qu'on employa pour réparer leurs avaries. » (11).
Quatrième cas enfin celui des navires qui ayant échappé au naufrage sur le récif extérieur, à l'engloutissement dans la zone intermédiaire, finissent par se perdre sur le récif côtier. Plusieurs épaves témoignent de ce type de naufrage comme celle qui se trouve sur l'îlet Boisseau à terre du danger que constitue l'îlet du Loup Garou et les récifs qui l'entourent (12).

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Les sites archéologiques

De ces considérations on peut déduire que très fréquemment les navires sont jetés sur l'une ou l'autre des lignes de récifs et sont instantanément détruits. De ces sites on ne peut espérer au mieux que retrouver des débris épars fortement dégradés. Les grandes pièces métalliques, ancres et canons, étant le plus souvent les éléments qui permettent de retrouver l'endroit du naufrage
Hors quelques objets qui peuvent servir à symboliser le drame qui s'est déroulé, ces sites ne permettent ni de retrouver trace des structures du navire lui même ni des données cohérentes concernant la cargaison.
Par contre les naufrages qui se sont produits dans la zone intermédiaire comme celui du navire anglais évoqué ci-dessus ou comme un bâtiment français cité par Moreau de Jonnès qui fit naufrage au même endroit en 1815, ont toute chance de former des sites du plus grand intérêt, même si la prolifération des madrépores constitue un handicap pour l'étude des couches superficielles.
C'est donc dans cette zone que devront être menées des recherches systématiques.

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Notes

1

MOREAU DE JONNES, Notice sur les ports de la côte orientale de la Martinique, Paris, 29 juillet 1819 - CAOM DFC N°553 retour au texte

2

Une formule mathématique, D = 2,1 multiplié par racine de h+h', donne la distance D en milles nautiques. h est la hauteur du sommet et h' la hauteur de la hune exprimées en mètres. retour au texte

3

La lieue marine vaut 5,46 km soit un peu moins de 3 milles nautiques actuels. retour au texte

4

Moreau de Jonnès op. cit. retour au texte

5

Moreau de Jonnès op. cit. retour au texte

6

Moreau de Jonnès op. cit. retour au texte

7

Déclaration de perte du navire l'Aigle de Nantes du 27 novembre 1753, ADLA - B 4592 folio 42 v et 43. Document aimablement communiqué par le Docteur Jacques Ducoin. retour au texte

8

Virement de bord vent arrière qui comporte quelques risques par gros temps et n'est en général tenté qu'en dernier recours. retour au texte

9

ADLA B4592. Quant au second bâtiment, il pourrait s'agir de l'Espérance, un navire négrier du Havre, capitaine Laplace, venant de Juda et naufragé au Vauclin trois ans auparavant - Cité par METTAS, in METTAS Jean, Expéditions négrières françaises au XVIII° siècle. Nantes, 1984, Tome II page 413.
Le naufrage du
Notre Dame de Bonne Espérance de Marseille illustre aussi parfaitement cette mécanique de naufrage. Il sombre sur un récif au large du François en amenant en Martinique des déportés protestants à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes en 1687. retour au texte

10

Moreau de Jonnès op. cit.. retour au texte

11

Moreau de Jonnès op. cit.. retour au texte

12

Les naufrages connus qui peuvent être classés dans cette catégorie sont :

 

Comme les épaves repérées sur la Pointe Marée, la Pointe Macré, la Caye Pinsonnelle et la caye du Loup-Garou. retour au texte

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