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Hiva Oa - 2 mars 2006
A terre, le site subaquatique retrouve ses racines

 
L'Aranui III en arrière plan.
Photo © Yann Hubert – GRAN 2006
 

L’amélioration du temps continue, il fait chaque jour plus beau et la mer est plus belle. Certes, la mer reste agitée mais personne n’a encore été malade !

Dès sept heures du matin, Catherine Chavaillon et Eric Olivier sont à bord de notre bateau base qui se trouve à quai : le bonitier « Pua O Tetai », d’Atuona.
Un autre hôte de marque est lui aussi dans le port, c’est « l’Aranui III » qui fait sa tournée mensuelle des Marquises. C’est un très beau cargo mixte qui effectue également une croisière touristique. Lors de notre départ, nous sommes obligés de passer sous ses aussières qui barrent le port.
Nous ne vous parlerons plus de la bonne visibilité, des 29° de l’eau et de la multitude d’animaux qui résident sur notre chantier : poulpes, crabes et crevettes, murènes, thonidés, loches, mérous, chirurgiens, ni des dauphins qui nous narguent tous les matins. Oublions aussi les méduses et le corail de feu qui nous donnent des démangeaisons lorsqu’on le touche tout comme le décamètre qui, pour notre malheur, est rentré en contact avec ce corail.

Le travail n’est jamais monotone. Nous sommes actuellement par quinze mètres de profondeur. Ce matin, nous avons la désagréable surprise de trouver notre ligne de référence nord/sud coupée, le frottement de la cordelette sur un rocher ou du corail lui aura été fatal.
La réparation nous fait perdre du temps.

 
 

Polissoirtrouvé à terre dans la vallée de Hanatoutoa.
Photo © Eric Olivier – GRAN 2006

Il faut aussi mettre en place deux points de référence supplémentaires pour le positionnement des objets. C’est au tour de Christiane de prendre en main les mesures pendant que Robert l’assiste.
Technicienne en archéologie au service de la culture et du patrimoine, elle s’aperçoit que le travail qui peut paraître le même sur terre et sous l’eau, peut prendre des tournures totalement différentes : le décamètre s’enroule traîtreusement autour des aspérités, se bloque, ou a une fâcheuse tendance, poussé par le courant ou la houle, à prendre une forte courbure. La planchette de relevé devient rapidement encombrante : il faut la tenir d’une main et en même temps maintenir de l’autre plusieurs mètres de ruban gradué, sans oublier de s’accrocher pour se maintenir au point de mesure. Notre rendement est de vingt positionnements en quarante minutes.

Catherine et Eric ont débarqué à terre, plus précisément dans la baie se trouvant à une centaine de mètres de la plage. Ils partent avec une caisse en plastique pour mettre leurs affaires au sec et un bidon étanche. Cette plage est à une distance d’environ 400 mètres du site que nous étudions. C’est la vallée de Hanatoutoa qui peut se traduire par la baie des trois arbres de fer ou des trois guerriers. Ce n’est pas cette vallée qu’Eric veut prospecter, car comme il l’a constaté au cours d’une visite précédente, elle n’est pas propice à une occupation. Elle est étroite, ravinée, la pente est accentuée et le lit de la rivière ne présente pas de berge. Relativement courte, elle manque de place pour une installation permanente. Cependant, deux structures de pêcheurs se trouvent à proximité de la page et nos archéologues y trouvent un rocher polissoir sur lequel les polynésiens venaient affûter et polir leur outils.

 
Vestiges d'un mur dans la vallée de Hananaunau.
Photo © Eric Olivier – GRAN 2006
 

Par contre la vallée contiguë a été habitée, peut-être la première sur cette portion de côte. Ce qui est paradoxal, c’est que son accès à partir de la plage n’est pas facile, il faut près d’une heure de marche pour y parvenir. Après avoir séjourné à terre pendant environ quatre heures, les constatations de nos archéologues sont les suivantes : à la différence de la vallée précédente (Hanatoutoa), celle de Hananaunau (la vallée des Moustiques ? ou dite la vallée des citronniers) semble avoir été occupée autrefois d’une manière permanente et très certainement par une population nombreuse. Elle n’est plus occupée actuellement que sporadiquement par des chasseurs de cochons sauvages ou des pêcheurs. Aujourd’hui des chiens ont été vus, des chasseurs ne devaient pas être loin, un bateau qui est passé vers midi les a sans doute déposés.

La rivière ne coule pas, mais en saison des pluies, vu l’aspect raviné de son tracé, les crues doivent être très fortes. La vallée prend naissance au pied de la montagne, elle a un bassin versant respectable. Des sources doivent très certainement se trouver vers 300 mètres d’altitude. Les arbres y sont nombreux : miros, tamariniers, érythrines, citronniers, arbres de fer, pistachiers, etc. la vallée n’est pas en « V » mais de part et autre de la rivière deux larges berges laissent la place pour des espaces de construction.

De nombreux éboulis et amas de pierres sont présents ainsi que des parties construites. Les constructions très dégradées sont très rustiques. Le mode de construction peu élaboré fait penser à un peuplement ancien.
Dans une zone allant du bord de plage à trois cents mètres à l’intérieur des terres, une dizaine de structures ont été identifiées : plates-formes, soubassements, des alignements de grosses pierres et des traces de pavages. Il n’y a pas là que des abris de pêcheurs mais il doit aussi y avoir des habitations et des lieux cérémoniels.
Les pétroglyphes et les cupules n’ont pour l’instant pas été observés. Enfin, il existe un chemin parfois stabilisé par des murets en pierre permettant de franchir la crête qui sépare cette vallée à celle de Taaoa.

Nous sommes très heureux des résultats de cette journée et remercions chaleureusement nos amis Catherine et Eric qui malgré leur surcharge de travail et leur planning très serré ont pris le temps de passer une journée avec nous.
Cette prospection souligne encore une fois le grand intérêt et le bénéfice considérable qu’il y a à mener de front des fouilles terrestres et subaquatiques.

Rédacteur :: Robert Veccella

      © GRAN 2006