Architecture navale
Le GRAN


L'étude de l'architecture de la Lomellina a constitué le point fort du long travail de fouille effectué sur l'épave.
Ce travail, effectué sous la responsabilité de Eric Rieth, bénéficiait de la collaboration de Jean-Marie Gassend pour ce qui est des relevés architecturaux in situ.

Structures du navire



Cette étude s'est déroulée progressivement compte tenu de la stratégie de fouille qui avait été adoptée (Cf. La fouille). C'est ainsi que, en particulier, l'étude des structures s'est effectuée de l'extérieur de la coque vers l'intérieur.

Structures longitudinales des fonds

 

- La quille était conservée sur toute sa longueur hormis un tronçon intermédiaire probablement arraché par une ancre. La possibilité de pouvoir étudier la quille dans sa quasi intégralité constitue un atout très important non seulement pour la reconstitution des caractéristiques générales du bâtiment, mais aussi pour la compréhension des principes de construction et des formes du navire. Il s'agit d'une quille en chêne de 34,18 m de longueur, mesurant 70 cm de hauteur en moyenne et 35 cm de largeur moyenne. Formée de quatre éléments dont le plus petit mesure 6,90 m (le tronçon arrière) et le plus grand près de 10 m (le tronçon avant). Les deux tronçons situés aux extrémités de la quille ont une morphologie comparable et comportent l'amorce de l'étrave et de l'étambot sous forme du départ d'une grosse branche.

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  Vue axonométrique en éclaté des vestiges de la quille et du gouvernail
- Archaeonautica n°9, p.24, fig. 7 -


- L'étrave est conservée sur 2,25 m de longueur et une trentaine de cm d'épaisseur.

- De l'étambot nous n'avons observé que son inclinaison sur le plan de la quille, soit 75°. Une partie du gouvernail formé de quatre pièces de charpentes en peuplier posées sur une semelle en chêne de 1,45 m de long avec laquelle elles forment un angle de 78°.

- Deux éléments de carlingue sont conservés, l'un au niveau de l'emplanture dugrand mât et l'autre à l'avant.

Membrure



- Les membrures, en chêne à feuilles caduques, ont pu être étudiées sur plusieurs niveaux : à la partie basse nous trouvons les varangues ou fourcats (nom donné aux varangues de l'avant et de l'arrière qui du fait des formes de carène ont une forme de fourche) qui reposent directement sur le dessus de la quille et amorcent les formes de la coque, puis les genoux, ensuite les premières allonges (dont la jonction avec les genoux se situe au niveau du faux-pont), puis les secondes allonges (qui se trouvent au niveau du premier pont). Les membrures sont à la fois de section (entre 19 et 23 cm) et de longueur irrégulière sans doute par souci de rentabiliser le bois disponible (celui-ci pouvant être du bois réutilisé). Ces différents éléments de la membrure sont assemblés par croisement latéral et un assemblage en queue d'aronde sur leur face de contact.

Bordé et vaigrage



- 30 virures de bordé (planking ou streak) disposées à franc bord ont été conservées. Les bordages sont en résineux (pin pignon et pin d'Alep) et en chêne au droit des assemblages transversaux de la membrure. L'épaisseur du bordé est de 12 cm dans les fonds et 10 cm dans la partie haute conservée à l'exception d'une préceinte épaisse de 19 cm. Leur largeur est comprise entre 18 et 34 cm. Le bordé est doublé de plomb jusqu'à la 26ème virure qui est une préceinte. Les feuilles de plomb correspondantes mesures en moyenne 120 cm de longueur et 40 cm de largeur pour une épaisseur de 1,5 à 2 mm, elles sont clouées à l'aide de clous à tête ronde.
- Le vaigrage est composé de serres faisant 18 cm de large et 15 cm d'épaisseur. Ces dernières sont encastrées sur la face intérieure des membrures et sont réparties par groupe de deux au droit des assemblages des éléments de la membrure (faisant ainsi face aux bordés de chêne décrits plus haut). Les vaigres en chêne ou en hêtre reposent à plat sans entailles sur les membrures sans interruption elles mesurent de 13 à 26 cm de large et 3 à 6 cm d'épaisseur.
- L'ensemble des éléments de la structure (bordé, membrure, vaigrage) est assemblé par un clouage unique (un seul clou traversant les trois éléments).

Baux et Barrots



- Cinq baux, écartés de 2 à 3 m les uns des autres, constituant la structure du faux-pont, ont été observés et étudiés, sauf au niveau de l'emplanture du grand-mât, ils ne sont pas reliés entre eux pour former un pont continu. Les baux mesurent 20 x 20 cm de section et sont fixés aux flancs du navire par de fortes courbes, ces baux sont surmontés par un " surbau " de même échantillonnage. Entre les baux situés au niveau de l'emplanture du grand-mât on trouve six barrots intermédiaires d'environ 15 x 15 cm de section. La surface ainsi formée semble avoir été utilisée comme aire de stockage (gréement de rechange, artillerie, ancre de réserve).

- Le premier pont (un pont continu) est soutenu par des barrotins de largeur et d'écartement irréguliers (entre 10 et 20 cm de largeur et 10 et 60 cm d'écartement). L'extrémité de ces barrotins est encastrée au moyen d'un assemblage à queue d'aronde sur le dessus de la serre bauquière. Le pont était constitué de virures de 24 à 31 cm de large et 10 cm d'épaisseur.

L'emplanture du grand-mât



- Le dispositif d'emplanture du grand mât a été entièrement restitué bien que certaines parties situées sur tribord aient été très dégradées, il comporte quatre types d'éléments :

  - la carlingue, renforcée à cet endroit, mesure 25 cm de hauteur et 28 cm de large.

- Deux carlingots disposés de part et d'autre de la carlingue dont la longueur restituée est de 5,60 m , la hauteur maximale au milieu de 40 cm,
et d'une largeur de 27 cm.

- Des taquets (pièces de chêne de forme trapézoïdale) encastrés à force entre lecarlingot et le première serre et destinés à maintenir latéralement l'ensemble du dispositif.

- Des traverses en chêne encastrées ou reposant sur le dessus du carlingot et destinées uniquement à soutenir le plancher de cale.
Ce massif d'emplanture est comparable dans son principe à celui que l'on trouve sur les galères et certains navires méditerranéens comme le chebec et diffère totalement des massifs d'emplanture des navires de dimensions similaires construits en Atlantique. C'est la première fois que ce type de structure est observé et il témoigne d'une tradition de construction des grands navires ronds purement méditerranéenne qui jusqu'à présent était ignorée. Des recherches ultérieures, effectuées dans les archives génoises, nous ont montrées que le vocabulaire des contrats de construction des “nave”génoises était le même que celui employé pour des galères et on imagine bien qu'à un même mot correspond une même structure ou un même geste et donc d'une tradition commune.

Restitution visuelle de l'emplanture du grand mât :


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  Ossature de base se reposant sur le traité de la construction des galères.
- Archaeonautica. n°9, p.70, fig. 33 -

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  Ajout des traverses supportant le plancher de cale.
- Archaeonautica. n°9, p.70, fig. 34 -

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  Ajout du plancher de cale et les cloisons.
- Archaeonautica. n°9, p.71, fig. 35 -
Montage final :


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  Restitution des structures confirmée par le traité de construction des galères.
- Dessin de Noël Blotti -

© Max Guérout