Les céramiques culinaires
Le GRAN


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- Fig. 1 -
Photo : Y. Rigoir
L'ensemble du matériel céramique trouvé sur le site offre un panorama complet des objets constituant l'environnement quotidien des marins ; il s'agit en effet de ceux utilisés dans la vie courante et non ceux provenant d'un chargement. On y trouve aussi bien des céramiques relativement luxueuses que des céramiques communes à usage culinaire, domestique, pharmaceutique voire militaire. Les lieux de fabrication sont tous situés au Nord de la Méditerranée occidentale : la Catalogne, la Provence, la Ligurie, la Toscane, le Latium.

La vaisselle de luxe


Ces céramiques représentent une part minoritaire du matériel de bord (moins de 10%) mais elles sont déterminantes pour la datation du site et constituent de ce fait un ensemble homogène, aussi bien point de vue chronologique que géographique.

Trois types d'objets sont représentés : des coupes ou assiettes à bord large, des “boccale”ou cruches et de albarelli ou pots à pharmacie.

Une coupe de majolique, nous l'avons vu, a joué un rôle déterminant dans l'étude de l'épave. (voir le texte Datation et origine de l'épave), elle est typique des productions dites “ovali e rombi” produites par les ateliers de Montelupo en Toscane. Un petit bol au décor plus simple est également attribué au même atelier (fig.1).
Il n'est pas inutile de s'arrêter un instant sur la manière dont le vocabulaire suit à la trace la production de la céramique. Le terme majolique désigne en effet des céramiques produites à l'origine dans l'île de Majorque, dont la technique de fabrication fut adoptée et développée en Italie, en Toscane nous l'avons vu, en Emilie aussi et plus particulièrement à Faenza, dont le nom est à l'origine du mot faïence.

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- Fig. 2 -
Photo : Y. Rigoir
- Fig. 3 -
Photo : Y. Rigoir

Deux pichets en majolique relativement bien conservés sont d'origine Ligure. Ils sont ventrus, décorés de bleu et de rouge orangé et, sont caractérisés par une échelle circulaire bleue entourant un médaillon (fig.2). Pour l'un d'eux, le médaillon est formé du blason des Fregosi surmonté de la croix rouge sur fond blanc, symbole de la ville de Gênes et de San Giorgio, le " Saint Georges " qui fut aussi adopté par la Royal Navy. La superposition des deux symboles : celui d'une famille et celui d'une ville, indique que les Fregosi assumèrent la charge suprême celle de Doge de Gênes (fig. 3).
Un autre pichet aux formes plus élancées, orné à la fois d'un décor gravé dit " a steca " et d'un décor peint où domine le jaune et le vert, est de facture Pisane ou Génoise (fig.4).

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- Fig. 4 -
Photo : Y. Rigoir
- Fig. 5 -
Photo : Y. Rigoir


Les pots à pharmacie ou albarelli, à la forme caractéristique d'un cylindre à la taille pincée, sont aussi présents. L'un d'eux assez trapu est de facture génoise avec des compartiments décorés d'arabesques jaunes et bleues (fig. 5).
Outre ces formes caractéristiques, on trouve aussi des petites coupes ou des bols à oreilles qui proviennent de la région de Valence, pour l'un d'eux de Manisses et pour un autre, de la région de Rome (fig. 6).

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- Fig. 6 -
Photo : Y. Rigoir
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- Fig. 7 -
Photo : Y. Rigoir
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- Fig. 8 -
Photo : C. Durand
La vaisselle commune


De facture plus grossière, mais représentant un éventail de formes très étendu (près d'une cinquantaine), les céramiques communes abondent sur l'épave de la Lomellina. Le groupe le plus important comprend la vaisselle destinée au service, propriété collective ou individuelle. Ce sont des formes ouvertes : des bols ou de petites coupes recouverts d'une glaçure jaune-vert, ou des formes fermées, pour l'essentiel des pichets à bec pincé. Là aussi, l'origine est plutôt Ligure et la production sans doute située à Savone. (fig.7).

Une autre partie de cette vaisselle commune se caractérise par un aspect plus solide ainsi que par la prédominance des couleurs vertes et brunes (fig. 8). C'est de Catalogne que proviennent ces céramiques : une grosse cruche surmontée d'une anse de panier, comportant deux becs tubulaires dont la glaçure verte rutile, une petite marmite brune et son couvercle ou deux pichets au bec pincé, en haut d'un col étroit.
Une marmite globulaire à pâte rose, ventrue, munie de quatre anses et presque complète, témoigne quant à elle d'une production provenant des poteries de Provence orientale (fig.9).

A la frontière de ces deux types de vaisselles, nous avons une grande coupe jaune décorée d'un poisson incisé, du type “a graffita monocroma”, qui provient de la région de Savone (fig.10).

Quelques céramiques nous révèlent aussi la présence à bord d'un apothicaire. Il s'agit de pots à pharmacie monochromes (jaunes ou verts), incisés, de la même famille que la coupe au poisson ; de pots à onguents caractérisés par la double lèvre qui servait à attacher avec un lien le linge ou le parchemin destiné à protéger la préparation.

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- Fig. 9 -
Photo : Y. Rigoir
- Fig. 10 -
Photo : Y. Rigoir

 

  : Ce texte s'est largement inspiré des deux catalogues :
Un goût d'Italie, ouvrage collectif, catalogue de l'exposition Argilla 93 à Aubagne.
Vingt mille pots sous les mers, Henri Amouric, Florence Richez, Lucy Vallauri, catalogue de l'exposition du Musée d'Istres.(27 mai- 28 novembre 1999) dont la plupart des illustrations sont tirées,
  et du Mémoire de Maîtrise de G. Thirion, La céramique de l'épave de Villefranche-Sur-Mer, Université Aix-Marseille 1, 1987.

© Max Guérout