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n°5 |
- Tromelin :: L’identification du naufrage de l’Atieth Rahamon, une longue enquête - En 2004, le fils d’un pilote qui avait séjourné à plusieurs occasions sur l’île de Tromelin, me montra quelques objets trouvés sur l’île par son père. Parmi ceux-ci se trouvaient les restes de deux assiettes qui ne pouvaient pas provenir de l’Utile car datées, au premier coup d’œil, de la seconde moitié du XIXème siècle.
Par chance, les assiettes portaient au dos une même marque de fabrique : H & C. Ayant photographié ces deux marques, une recherche sur Internet nous permit d’accéder à un site consacré aux céramiques anglaises qui nous donna assez rapidement la solution. Il s’agissait d’une firme anglaise nommée Hope & Carter localisée à Burslem dans le Staffordshire Cette poterie active au XIXème siècle a utilisé la marque de fabrique en question entre 1862 et 1880. Aucune source historique ne faisant état d’un autre naufrage sur Tromelin, nous tentâmes alors de rechercher quel navire pouvait bien avoir été perdu, corps et bien, dans l’Océan Indien dans la seconde moitié du XIXème siècle. Les vaisselles fabriquées dans le Staffordshire étaient utilisées par de nombreuses compagnies de navigation, aussi la nationalité du navire n’était pas assurée, mais nous penchions bien entendu pour un navire ayant des liens avec l’Angleterre. Dans ce cas, les recherches doivent s’orienter en priorité dans les archives de la Lloyd, la célèbre compagnie anglaise de certification et d’assurance. Toutefois, même avec 1862 comme date de départ, une telle recherche demande un temps si considérable que nous remîmes à plus tard ce travail fastidieux.
En juillet 2006, les recherches entreprises à notre demande par Anne Joyard dans les archives de la Lloyd à Londres lui permirent d’identifier ce naufrage comme étant celui de l’Atieth Rohoman survenu le 27 novembre 1867. Parti de l’île Maurice pour Bombay avec une cargaison de sucre, il se perd sur « Tromelin or Sandy Island ». Sept rescapés regagnent l’île Maurice2. Mais le navire ne figurait pas dans les registres de la Lloyd et l’information pour précieuse qu’elle fut ne donnait que peu de détails sur l’évènement.
Persuadés que nous pourrions trouver dans la presse de l’île Maurice mention de ce naufrage, nous avons profité du voyage à Maurice de deux de nos plongeurs habitant la Réunion : Jean-François Rebeyrotte et Arnaud Lafumas, au début du mois de décembre 2006 pour leur demander de faire des recherches aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale. Aidés par Yann Von Arnim, ils trouvèrent de très nombreux détails sur ce naufrage. Le navire, un trois mâts de 784 tonnes, dont le nom exact est Atieth Rahamon, commandé par S.C. Hodges, était parti de l’île Maurice le 23 novembre avec un chargement de 10 400 sacs de sucre. Il fit naufrage le 27 novembre dans le Sud-Est de l’île par très beau temps. Il n’y eut pas de victimes, équipage et passagers purent embarquer dans les embarcations du bord et aborder, quoique avec difficultés, le Nord-Ouest de l’île. Dès le lendemain, l’officier second William James Bryand, et sept marins indiens, firent voile sur une chaloupe non pontée pour chercher du secours et parvinrent à atteindre l’île Maurice pour donner l’alerte. C’est le trois mâts français Pionnier, capitaine Delaselle qui, les 21 et 22 décembre, parvint à sauver, non sans difficultés, les 57 personnes restées sur l’île. Les embarcations chavirèrent pas moins de sept fois pendant l’opération sans que toutefois on ne déplore de victimes.
« 14 décembre 1867, point du jour, même temps. 9 heures du matin - Un ouragan parfait, rugissement continu et pluies torrentielles. Nous voyons la chaloupe qui depuis 12 jours avait été mouillée pour plus de sûreté au-delà des déferlantes, aller par le fond, bien qu’elle soit sous le vent de l’île. Les tentes sous lesquelles nous vivions sont mises en pièces par le vent et les petits arbustes dont l’île était partiellement couverte, sont complètement arrachés au niveau des racines. Vent toujours de S.E. 15 décembre – Au lever du jour, vent de S.W. La pluie a cessé, mais un fort coup de vent souffle toujours. Le temps s’éclairci. Nous constatons que toutes nos embarcations, qui avaient été hissées bien au-dessus du rivage et mises en sécurité au paravent, ont été emportées par le vent vers le centre de l’île, mises en pièces et à moitié enfouies dans le sable. De gros morceaux de l’épave qui avaient été hissés à terre hors de danger et de grosses dalles de pierre, quelques unes de 4 à 5 tonnes, qui étaient sur la plage ont été emportées par le vent à 2 ou 300 mètres de là ; au plus fort du cyclone la mer avait envahi la moitié de l’île, mettant gravement en danger nos vies à tous. » |
Rédacteur : Max Guérout |
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