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Canons de bronze fondus sous Richelieu

Canons de bronze fondus sous Richelieu

Message par max le 20 Novembre 2007 18:06

Le Cardinal Duc de Richelieu reçut en 1626 la charge de Grand Amiral. Il supprima cette dernière pour se faire donner en 1627 celle de Grand Maître Surintendant du Commerce et de la Navigation, charge qu’il conserva jusqu’en 1642.
« Ayant eu commandement du Roi de faire fondre quantité de canons » il prit en main le ravitaillement en armement de la flotte qu’il recréait. Son système consistait en achat sur le marché principal en particulier la Hollande.
En 1626 il créa une fonderie au Havre ; en 1630, 50 pièces y furent coulées
En 1627 Une fonderie est créée à Brouage, mais ne semble pas avoir eu une grande activité.
La même année Richelieu passe commande de 300 pièces de canon de fer à Herman Nerondolphe (en Hollande ?)
En 1628, par l’intermédiaire de l’Ambassadeur de France, il passe commande pour la marine, à Gentillot son agent en Hollande qui est aussi fondeur et entrepositaire, de 60 pièces d’artillerie de fonte pour la somme de 10 000 écus, portant : «les armes de Sa Majesté et pour devise ces mots : « Ratio Ultima Regum » ....Vous ferez mettre aussi au-dessous des armes du Roy ces mots : « Cardinal de Richelieu » et une ancre pour montrer que c’est pour la mer , ayant un pouvoir exprès de Sa Majesté sur ce sujet, qui veut, par ce moyen empêcher que les canons faits pour la mer ne soient employés à d’autres usages. Je me promets que vous tiendrez volontiers la main à ce que cela s’exécute comme il faut. Vous verrez, s’il vous plaît, avec les fondeurs, où l’ancre sera mieux placée. On m’en renvoie un projet auquel vous ajouterez ou diminuerez selon que, par l’avis de gens à ce connaissant vous trouverez être pour le mieux »
Ces approvisionnements sont expédiés soit au Havre soit à Brouage. A Saintes, Richelieu fait installer le fondeur La Tâche auquel il donne en 1627 ses provisions de « Fondeur de la Marine ». Cette fonderie était spécialisée dans les fontes de bronze.

Deux canons sortis de la fonderie du Havre sont connus.

1 – Un canon de 12, fondu en 1636 par Jean de Guindertal se trouve au Musée des Invalides.
D’une longueur de 273 cm , il porte sur la volée le L couronné caractéristique du règne de Louis XIII, deux dauphins et sur le renfort de culasse, les armes de France et de Navarre couronnées entourées des colliers des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel, la date de 1636 et le nom de Cardinal de Richelieu de part et d’autre d’une ancre de marine.
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Canon du Musée de l’Armée
2 – Un canon de 8, fondu en 1636 par Jean de Guindertal se trouve à la Tour de Londres.
Longueur : 274,3 cm (Longueur hors tout : 292,1 cm), poids 1206,5 kg, calibre 11 cm.
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Canon de la Tour de Londres
Comme le canon des Invalides, il porte sur
la volée le L couronné caractéristique règne de Louis XIII, deux dauphins et sur
le renfort de culasse, les armes de France et de Navarre couronnées entourés des colliers des ordres du Saint-Esprit et de
Saint-Michel, la date de 1636 et le nom de Cardinal de Richelieu de part et d’autre d’une ancre de marine.
Le poids en curtow, quarter, livres est gravé en dessous : 23 – 3 – 0
Il porte sur la plate bande de culasse l’inscription : IOHANNES * DE GVINDERTAL * ME FECIT AV HAVRE DE GRACE.
Le logement du fronteau de mire n’a pas été percé.
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Ce canon trouvé à l’embouchure de la Tamise à Sea Reach en 1961 a été offert à la London Port Authority. Le fait que le poids soit gravé selon la méthode anglaise semble indiquer que cette pièce d’artillerie était une pièce capturée et montée sur un navire anglais .
3 - Le canon N° N 341 du Musée de l’Armée.
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Musée de l’Armée – Canon N 341
Nous ne disposons pas encore des caractéristiques de cette pièce que nous avons demandées à la conservatrice de l’artillerie au Musée de l’Armée.
L’inscription portée par le tourillon droit : P 1780, indique comme c’est l’usage, le poids en livre de la pièce. Sur la gravure d’Octave de Rochebrune le chiffre 1 a la forme d’un J, mais le chiffre 872 inscrit sur la volée confirme notre interprétation puisque 1780 livres de 0,48951 kg font exactement 871,327 kg.
En l’absence d’autres informations le calibre semble donc être de 6 livres : diamètre du boulet : 90 mm, calibre de la pièce : 95 mm.

La décoration particulièrement soignée de cette pièce est la suivante :
Tulipe : Une frise formée de personnages debout entourés de feuillages et la mire de pointage
Volée : deux ancres croisées sur un rameau d’olivier et un bandeau portant l’inscription : « ARMAND
CARDINAL DUC
DE RICHELIEU »
Le chiffre 872 inscrit en travers indique le résultat d’une pesée effectuée après l’adoption du système métrique.
Deuxième renfort : Deux anses en forme de dauphins
Premier renfort (culasse) : Armes du Duc de Richelieu
La lumière est incluse dans un bandeau décoré en avant de la plate bande de culasse.
Plate bande de culasse : Décor et guidon.
Cul de lampe et bouton : Le bouton représente une tête de femme dont les cheveux sont retenu sur le dessus de la tête par un cordon, les cheveux longs et les épaules formant le cul de lampe
Les astragales de volée et celles qui entoure le deuxième renfort (deux en avant et deux en arrière) sont richement décorées de motifs floraux.

Le canon du Musée de l’Armée porte le nom de Richelieu. Il pourrait faire partie soit de la commande initiale soit des fabrication du Havre ou de Saintes. La présence de deux ancres croisées indique qu’il s’agit d’une pièce de Marine. Ce motif : deux ancres croisées et le bandeau portant le nom du commanditaire est plus proche du décor des canons ultérieur (voir ci-dessous) et pourrait signifier qu’il s’agit d’un canon plus tardif que les deux autres.
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Compte tenu de la richesse de sa décoration, cette pièce pourrait avoir fait partie d’une commande particulière et avoir été spécialement destinée au Cardinal de Richelieu.
M.G.
max
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Message par Tim le 30 Novembre 2007 12:22

Bonjour,
Il me semble qu'un élément notoire n'a pas été mentionné. A savoir qu'il me semble que le trou de lumière n'est pas percé. Je dois me rendre au Musée de l'Armée demain. Je confirmerai.
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Lumière

Message par max le 01 Décembre 2007 09:41

Merci de faire cette vérification, j'ai mentionné dans le texte que le logement du fronteau de mire n'était pas percé, mais je n'ai pas moi-même observé ce détail mentionné dans un article. Peut-être s'agit-il en réalité de la lumière?
Si vous allez voir ce canon pouvez vous vérifier d'une part le calibre et d'autre part s'il y a une inscription sur le tourillon gauche : je n'ai toujours pas de réponse du Musée de l'Armée?
Cordialement
Max G.
max
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Message par Tim le 01 Décembre 2007 18:27

Après avoir fais une petite visite au Musée de l’Armée, voici ce qu’il en ressort. Le cartel de la pièce est le suivant :

« Canon dit du cardinal de Richelieu
Travail français, vers 1630
Longueur : 2,75 m
Calibre : 108 mm
Masse : 872 Kg

Ce canon provient de la batterie de six pièces destinée à orner le château de Richelieu (Indre-et-Loire) aujourd’hui détruit. Cet extraordinaire travail de fonte et de ciselure participe à la renommée de son propriétaire, le cardinal de Richelieu [1585-1642]. La charge de surintendant général de la navigation et du commerce de France de ce dernier, qu’il exerce à partir de 1627, est rappelée par différents éléments iconographiques (ancres marines, anses en forme de dauphins). Le premier renfort porte ses armes chevronnées. La splendide tête qui forme le cul-de-lampe évoque ces visages burinés de marins composant les équipages de la nouvelle marine de guerre française, œuvre du cardinal. Véritable morceau de bravoure de la sculpture ornementale, ce canon demeure une exception dans l’univers de l’artillerie.
L’excellent état de conservation de cette pièce dément à l’évidence l’identification de celle-ci à la célèbre « Marie-Jeanne » des armées vendéennes qui souffrit fortement des combats. Par ailleurs, la lumière n’étant pas complètement percée, ce « canon » ne peut pas tirer.

Inv. N 341 »

Le tourillon droit porte effectivement la marque P. 1780. La forme du «1» en «J» se retrouve également sur d’autre pièce du musée de l’Armée. Le tourillon gauche lui porte la marque « N°2 ». Sinon l'inscription « 872 » se retrouve à deux endroits sur la volée. Et enfin puisqu’il faut toujours se méfier des cartels du Musée de l’Armée le calibre de 108mm est, après vérification, exact.

J’ajouterai un dernier mot à propos de la réponse que vous attendez de la part du Musée de l’Armée. Il se trouve qu’en ce moment avec les préparatifs de la Sainte-Barbe et la nouvelle présentation des canons classiques français dans la cour d’honneur Madame Leluc conservatrice du département artillerie du Musée de l’Armée et ses collègues ont beaucoup de travail ce qui expliquerai peut-être les délais de réponse.

Tim

PS: Si vous souhaitez d'autres "vérifications" au Musée de l'Armée sur des pièces faites-moi signe j'y passe toute les semaines. Egalement si vous souhaitez des photos de cette pièce ou d'autres, n'hésitez pas.
Ultima Ratio Regum
Tim
 
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Le canon du Cardinal

Message par max le 01 Décembre 2007 20:58

Tim,
merci beaucoup. Toutes ces informations viennent compléter les informations sur le canon N 341 du Musée de l'Armée. Nous sommes donc en présence d'un canon de 8. Mais nous avons toujours le même problème avec la longueur : est-ce la longueur hors-tout ou la longueur utilisée par les spécialiste: entre tranche de bouche et arrière de la plate bande de culasse. A priori vu la différence de poids avec le canon de 8 de la Tour de Londres, il s'agit probablement de la longueur hors-tout.
Le n°2 indique en général le numéro d'ordre dans la coulée, il y avait donc au moins un autre canon identique.
Je parlerai peut-être à une autre occasion de la Marie-Jeanne chère au coeur des vendéens.
Merci de votre proposition concernant le Musée de l'Armée, dans le Sud depuis deux ans, j'ai moins de facilités pour y faire un saut.
Max G.
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Canon N 341 du Musée de l'Armée

Message par max le 20 Décembre 2007 11:06

Nous recevons de Sylvie Leluc la réponse suivante au sujet du canon N 341.
"Je m'excuse pour le retard avec lequel je réponds à votre courriel de novembre dernier.
Le canon N 341 des collections du Musée de l'Armée a les caractéristiques suivantes:
Canon de 8 en bronze à l'ornementation fastueuse et insolite.
Longueur : 2.725 mètres
Calibre : 0.108 mètres
Poids : 872 Kg
Cette pièce insolite ne porte aucun signalement de fabrication excepté N°2 et P 1780 (sur les tourillons).
Ce canon est inachevé : l'âme est sommairement écroûtée et la lumière est non forée. Sa provenance et son entrée au Musée de l'Armée ne sont pas précisées. Il apparaît sans commentaire particulier au catalogue de 1945 et se trouvait en septembre 1835 à la fonderie de Douai parmi 13 pièces anciennes et remarquables.
Concernant l'héraldique il faut noter que les armes ne respectent pas le schéma d'ensemble qu'acceptait ordinairement le Cardinal, selon plusieurs exemples de son vivant.
On remarque également des ajouts extra-héraldiques qui détonnent : tête de Chérubin, bouquet de fleurs, etc. Enfin, le cordon du chapeau de prélat est à 6 houppes seulement (évêque) alors que le Cardinal en mettait 10 comme il est normal.
Dans le domaine de l'ornement cet ensemble est une composition hétérogène du point de vue du style ; la mode des bustes de culasse remonte au moins à 1638 (Saint-Paul de Cenni, au Bargello) mais les réalisations françaises identifiées sont postérieures à 1670.
Concernant les anses de manutentions, le motif de dauphin croquant un poisson est connu ; on le trouve notamment dans les oeuvres de Landouillette, fondeur de Toulon en 1668.
Ce canon est un véritable bronze d'art, un monument conçu à la gloire exclusive du cardinal.
Restant à votre disposition pour tout complément d'information, je vous prie agréer, Cher Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

Sylvie Leluc
Dpt Artillerie
01 44 42 48 67
artillerie-ma@invalides.org

Musée de l'Armée
Hôtel national des Invalides
129 rue de Grenelle
max
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Re: Canons de bronze fondus sous Richelieu

Message par max le 20 Décembre 2007 11:40

Chère Madame,
merci de votre réponse. Le canon N 341 est parfois identifié par les historiens des guerres de Vendée comme le Missionnaire (Maurice Hurtaut, Quelle Marie-Jeanne ?, Revue de la Société des Amis du Musée de l'Armée, n°84 - 1980 - pp. 41-51)un canon qui participa aux opérations. La lumière n'étant pas forée et l'âme n'étant pas usinée, cette interprétation n'est par conséquent pas correcte. Les mêmes historiens assurent que le canon des Invalides est identiques à une canon des guerres de Vendée très célèbre : la Marie-Jeanne autour duquel s'est semble-t-il bâti un récit quasi légendaire. Pris et repris par les vendéens et les armées républicaines, la Marie-Jeanne aurait été jetées dans la Loire ou dans les douves d'un château pendant la retraite des vendéens en 1793. Une gravure exécutée postérieurement représente cette pièce d'artillerie.Image
M.G.
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