par BERTHAUT-CLARAC le 26 Novembre 2010 07:31
Les réponses de Max sont tombées cette nuit.
Je vous les livre sans plus attendre.
Cordialement
Sébastien BC
Merci à tous de votre intérêt pour l’histoire des esclaves naufragés sur l’île de Tromelin et pour notre travail. Toute l’équipe se réjoui de voir son travail ainsi décortiqué.
Concernant la destruction éventuelle d’un bâtiment météo.
Il est parfois difficile de ralentir la construction d’un bâtiment pour permettre une étude archéologique. Il n’est pas envisageable de détruire un bâtiment existant pour en savoir plus.
4ème campagne ?
Nous n’en sommes pas encore là il nous faut d’abord digérer les découvertes de cette année et puis peser les arguments pouvant justifier une autre campagne. Les contraintes ne sont pas seulement budgétaires mais aussi administratives et logistiques.
Où dormaient les naufragés ?
Les pièces mises au jour sont petites et confinées, il est probable qu’en dehors des périodes de mauvais temps les naufragés devaient dormir dehors à l’abri d’un mur, peut-être à l’intérieur par temps de pluie, mais nous nous posons la question de la nature des toits mis en place et de leur étanchéité. Nous n’avons pas de réponse à l’usage de toutes les pièces, nous avons identifié une cuisine, peut-être un atelier de travail du fer, mais c’est tout.
Organisation des pièces
Nous essayons d’établir la chronologie de construction des divers bâtiment, d’une part en regardant sur quelle couche sédimentaire ils reposent et d’autre par en examinant les murs pour essayer de déceler un ordre de construction (ce n’est pas toujours très facile avec des murs construits en pierre sèches, sans mortier). La caractéristique principale est la rupture avec les habitudes (ou la tradition malgache) : construction en pierre (en contradiction avec les constructions traditionnelles en matières végétales), pas d’orientation privilégiée de chaque bâtiment, habitations groupées contrairement au principe malgache d’habitation individuelle. Quant à parler d’organisation c’est encore pour l’instant difficile de se prononcer.
Habitation groupée.
A priori les habitations étaient regroupées, sans doute pour pouvoir bénéficier d’une protection mutuelle contre les évènements climatiques violents. Nous n’avons trouvé aucune évidence de couverture, sauf dans un bâtiment très étroit de l’utilisation possible de fer plat provenant de l’épave de l’Utile (sans doute des renforts de courbes de bau, qui lient les flancs du navire à la structure du pont). Ils disposaient de pièces de charpente qui pouvaient constituer des solives, des textes parlent de carapaces de tortue, mais cela semble peu probable, les tortues vertes fréquentant l’île n’ayant pas à proprement parler de carapace capable de durer dans le temps, mais seulement une mince pellicule couvrant le squelette. La question de l’abri face à la pluie, et au soleil est importante, une carapace de tortue fraîchement tuée peut abriter de la pluie, et éventuellement du soleil, mais pour qui doit rester en plein air en pleine journée, c’est un vrai problème. Peut-être les habitations trouvaient là leur utilité.
Résister aux cyclones est compliqué mais ce sont des phénomènes peu fréquents et qui ne durent pas longtemps.
Squelettes
Il serait un peu long de répondre ici à cette question, les encadrés rédigés dans le livre édité par le CNRS y apportent un début de réponse. La découverte de nouveaux squelettes pourrait permettre de croiser nos observations avec une enquête en cours à Madagascar qui consiste à créer une banque de donnée de l’ADN des habitants. Nous souhaitons découvrir d’autres squelettes mais la surface à prospecter est grande par rapport à nos moyens de recherche (nous travaillons à la pelle). Si un cimetière existe quelque part, il a de bonnes chances d’être conservé. Il est très probable que les corps ont été conservés et enterrés, sans doute en respectant les rites funéraires malgaches. L’incinération laisse aussi des traces visibles.
Oiseaux
Les oiseaux consommés sont des sternes fuligineuses, une espèce qui vit en colonie de plusieurs centaines de milliers d’oiseaux, la densité est telle qu’il suffit d’avoir un bâton pour les chasser sans compter la faciliter de capturer des juvéniles et de ramasser des œufs.
Accouchement
Les accouchements devaient se passer comme ils se passent dans les société ne disposant pas d’assistance médicale, souvent mal, ce qui explique qu’à part le bébé rescapé aucun autre enfant n’ait survécu.
Provisions
On leur avait laissé environ trois mois de vivres, mais avec une eau buvable et la ressource alimentaire des oiseaux et des tortues, la subsistance ne semble pas avoir été un problème.
Climat
Le climat de l’île est un régime d’alizé de sud-est la majeure partie de l’année et une période des cyclones pendant l’été austral (décembre à avril) la température oscille entre 27 et 30 degrés.
Attente
Notre attente, encore une fois déçue était la découverte de nouveaux restes humains, mais les questions posées par les nouveaux bâtiments mis au jour sont particulièrement intéressantes.
Quotidien des naufragés
Leur quotidien devait tourner autour de l’alimentation.
- Aller puiser de l’eau au puit et la transporter jusqu’au lieu d’habitation distant d’environ 3 à 400 mètres.
- Chasser les oiseaux.
- Capturer des tortues et les transporter jusqu’au lieu d’habitation.
- Nourrir et entretenir le feu
- Préparer les aliments
A côté de cela entretenir les habitations, fabriquer et réparer les ustensiles de cuisine…
Tisser vêtements et pagnes.
Organisation
Les objets découverts et la destination éventuelle des bâtiments sont les seuls éléments dont nous disposons, difficile d’en déduire qui faisait quoi.
Habits
Nous savons par les textes que les premiers vêtements étant hors d’usage, c’est à l’aide de plumes d’oiseaux tissées que les vêtements étaient fabriqués, ainsi que des pagnes et des couvertures.
Maladies
Sur les deux corps découverts nous n’avons pas trouvé de traces de maladies, mais la majorité des décès étant semble-t-ils survenus assez rapidement (selon les textes dont nous disposons) peuvent avoir des causes diverses fièvres importées de Madagascar (les habitants des haut plateaux y sont sujet), ou d’autres causes qui pour l’instant ne sont pas connues.
Femmes
Les trois derniers hommes étaient partis en radeau avec le marin français, quatre mois avant le sauvetage final. Par ailleurs il est bien connu que les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes.
Les descendants
Nous ne connaissons pas actuellement de descendants. D’une manière générale les descendants d’esclaves ont du mal à en parler. Notre travail vise précisément à leur donner la parole.