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Nous sommes toujours avec vous

Nous sommes toujours avec vous

Message par Jean-Michel Forhan le 20 Novembre 2010 00:09

Bonjour à toute la mission,

Certains d'entre vous (sans m'avoir jamais vu) doivent commencer à bien me connaitre. C'est avec la même adivité curieuse que je suis votre nouvelle aventure sur l'ilot de Tromelin.

J'ai fait en sorte de déclencher celle de mes nouveaux élèves car, en ce qui me concerne, à chaque saison, c'est une nouvelle équipe de chercheurs que je conduis...

Ils ont acquis depuis ledébut de l'année, de solides connaissances sur la traite négrière et sur l'esclavage. Nous avons lu ensemble deux ouvrages qui traitent de ces sujets ou du colonialisme à la Française : "2 graines de Cacao" d'Evelyne Brisou-Pelen et "Verdun 1916: un tirailleur en enfer" d'Yves Pinguilly.

Cette année, ils sont 26 et j'espère pouvoir vous envoyer prochainement une image de notre groupe. En attendant, nous vous confions un certain nombre de questions que nous nous sommes posées à la lecture quotidienne de vos journaux, toujours rédigés dans une langue très abordable pour des enfants de 10 11 ans (CM2). Merci de nous permettre l'accès à votre aventure.

Je sais aussi que d'anciens élèves se connectent et suivent avec un intérêt certain le chemin que vous leur avez tracé en 2006 ou 2008. Il y a aussi des parents et des grands parents qui se sont pris au jeu: ce message a donc vocation à vous encourager à poursuivre vos écritures quotidiennes.
Il y en a même un élève qui m'a rapporté en cadeau, en 2008, du sable que son grand père avait ramassé sur l'ile de Tromelin. Nous avons près d'Orléans une base militaire aérienne et les Transal nous sont familiers. Nous connaissons plusieurs grands parents qui sont allés à Tromelin!!

Il y a un réel engouement à la lecture de vos écrits que je projette sur grand écran pour une lecture collective quotidienne. La plupart de mes élèves se connectent à domicile et vous lisent avant la séance en classe (lorsque la publication n'est pas trop tardive). La lecture collective reste appréciée de tous car elle suscite toujours une multitude de questionnements...

Nous avons vu jeudi le film de E. Roblin et T. Ragobert qui retrace vos précédentes aventures, grâce à Sébastien Bertaud-Clarac qui nous a gentiment envoyé son exemplaire personnel.
Nous disposons également du dernier ouvrage de Thomas Romon et Max Guérout "Tromelin. L'ile aux esclaves oubliés"
En voyant le titre, je me suis demandé si'il n'aurait pas été plus juste de l'intituler:" L'ile aux esclaves abandonnés"
Qu'en pensent Max et Thomas?


Difficile de dire si l'enthousiasme va perdurer :sans doute cela dépend-il de votre ardeur à creuser et de la nature de vos découvertes...

Voici notre première série de questions:
Utilisez-vous des détecteurs de métaux?

Quelles sont les différences de composition de votre équipe par rapport aux autres missions ?
Pourquoi les archéologues mauriciens ne sont-ils pas venus? Viendront-ils finalement ? Que peuvent-ils apporter à la mission ?

Comment peut-on imaginer qu'ils utilisaient les carapaces de tortues? Pour manger, recueillir de l'eau, s'abriter...

Y a-t-il des empreintes sur les objets que vous pouvez trouver?

Vous parlez d'un problème résolu grâce au théodolite: en quoi cet objet vous aide-t-il à répondre aux questions que vous vous posez?

Prenez-vous le temps de faire quelques baignades?

Vous triangulez tous les objets que vous trouvez: pouvez-vous expliquer comment vous faites.

Est-ce que vous avez envie de chercher à côté de la piste ?

Quelle est (ou quelles sont) votre hypothèse pour les têtes de tortues ?

Avez-vous retrouvé l'origine des pièces qui ont permis de fabriquer le marteau trouvé mercredi dernier?


Pourquoi les plaques de "beach rock" sont verticales à la base des murs et horizontales au-dessus?


Qui est le commandant Parker de 1861?


Pouvez-vous nous dire si dans les pièces habitables découvertes en 2008, une était réservée aux bébés?

D'où viennent les courlis?
Quelle est votre hypothèse pour expliquer leur venue sur cette ile ?

D'après vous les sépultures-elles sont près des habitations?

Est-ce que les météorologues qui ont découvert la pièce habitée en 1954 ont gardé les pièces qu'ils ont trouvées?


Vous souhaitant tout le courage nécessaire et la réussite à la poursuite de votre mission, nous vous disons à bientôt.

Nous vous questionnerons chaque fin de semaine.

Jean-Michel
Jean-Michel Forhan
 
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Inscription : 18 Décembre 2006 07:13

Re: Nous sommes toujours avec vous

Message par BERTHAUT-CLARAC le 21 Novembre 2010 13:39

Bonjour,
La réponse de Max ne s'est pas faite attendre.
Vous la trouverez ci-dessous.
Bonne lecture
Cordialement
Sébastien BC

Réponse aux questions des élèves de la classe de CM2 de Semoy (Académie d’Orléans)

Avant de répondre aux questions posées par les élèves, toute l’équipe tient à remercier leur maître Jean-Michel Forhan, pour la manière dont il relaie son travail auprès des élèves. Savoir que le dur labeur que nous menons sur cet îlot, loin de tout, est l’objet d’une attention aussi soutenue, est un réel encouragement à persévérer. Nous adressons aussi un salut amical aux anciens élèves qui ont suivi nos aventures les années précédentes.

Un petit mot concernant notre journal. Notre journée de travail sur le site archéologique se termine vers 17h15, le temps de ranger le matériel, de prendre une douche et d’attendre que le groupe électrogène soit démarré, je commence à rédiger le journal vers 18h00 (heure locale) soit 15h00 en métropole. Pendant ce temps, Jean-François Rebeyrotte me passe les photos qu’il a rassemblées pour que nous choisissions les illustrations du jour. Je termine la rédaction et l’illustration du journal vers 19h00, il est relu par Jean-François et Thomas Romon, mis sur une clé USB et envoyé vers 19h15 sur la liaison par satellite (Skyfile) par Jean-François. A la réception Sébastien Eon en Belgique, met le journal en ligne dès qu’il le peut. Grâce au décalage horaire le journal est souvent en ligne le jour même en métropole. Nous passons ensuite à table à 19h30, car à 22h00 le groupe électrogène est arrêté et nous n’utilisons plus alors que nos lampes frontales.

Je vais prendre les questions dans leur ordre d’apparition.

Concernant le titre du livre qui est aussi celui du programme de recherche, l’expression « esclaves oubliés » a été choisie vous l’avez sans doute compris, comme une allusion, à la fois à l’histoire de l’Utile, mais aussi à l’histoire de l’esclavage en général. Bien entendu les esclaves ont d’abord été abandonnés avant d’être oubliés, mais nous avons voulu évoquer toute l’histoire de l’esclavage, qui a beaucoup de mal à sortir de l’oubli où elle a été longtemps plongée.

Composition de l’équipe.
L’équipe de base présente au cours des trois mission est composée de : Max Guérout, Thomas Romon, Jean-François Rebeyrotte et Joë Guesnon.
Cette année trois places avaient été réservées à des archéologues malgaches et mauriciens. Philippe Tournois qui réside à La Réunion a été joint à l’équipe, de même que Zineb Guérout suite à la demande de Météo-France de pouvoir disposer d’un renfort pour la préparation des repas.
Laurent Hoarau qui devait être des nôtres n’a pas pu se joindre à nous.
Si Bako Rasoarifetra, une archéologue malgache a pu se joindre à nous, les deux archéologues mauriciens ne nous ont toujours pas rejoints. La raison est à mettre au compte des difficultés diplomatiques franco-mauricienne concernant l’île de Tromelin. Bien qu’un accord de cogestion franco-mauricien ait été signé en juin dernier (mais pas encore ratifié par les parlements) Maurice n’a pas abandonné sa revendication de souveraineté sur l’île de Tromelin, ce qui rend les négociations toujours délicates. Nous gardons cependant l’espoir que Anwar Janoo et Jayshree Mungur, pourrons nous rejoindre avant la fin de la mission. L’intérêt d’une coopération avec des archéologues Malgaches et Mauriciens, outre l’apport de leurs compétences respectives est de placer l’histoire des esclaves de l’Utile dans le contexte plus général de l’esclavage dans l’Océan Indien et de donner au programme de recherche toute la dimension régionale qu’il mérite.

Concernant les carapaces de tortues.
Les tortues qui fréquentent Tromelin sont des tortues vertes, qui n’ont pas de vraie carapace, mais simplement une mince couche de kératine (de l’ordre de deux millimètres) qui recouvre leur squelette. Si bien que rapidement cette mince pellicule se détache et qu’on ne peut pas disposer d’un récipient ou s’abriter.

Concernant les empreintes figurant sur les objets.
Au cours des récents travaux de conservation effectués à Saint-Pierre (La Réunion), il est apparu sur certains récipients en cuivre, une marque (deux petits traits parallèles) qui était présente en plusieurs endroits. Une idée est que ces objets ont pu être façonnés en utilisant une enclume dont le relief de surface se trouvait ainsi reproduit à chaque coup de marteau.

A propos du théodolite.
Le théodolite est un appareil qui permet de mesurer avec précision des angles et des distances. Ainsi à partir d’un point fixe bien défini, il permet de placer dans l’espace tous les points mesurés. La première conséquence est de restituer précisément le contour des bâtiments (anciens et modernes), et le dessin exact des zones fouillées, et de localiser avec précision tous les objets découverts. Sa capacité de donner les altitudes relatives de tous les points du site archéologique étudié permet aussi de comparer les niveaux du sédiment d’un point à l’autre du site. C’est en étudiant les différentes couches de sédiments que nous sommes capable de distinguer ce qui correspond à des couche d’occupation des esclaves et ce qui correspond à du sable accumulé ultérieurement ou à des déblais liés à la construction des bâtiments de la météo. C’est en particulier l’étude des couches de sédiment qui nous a permis de savoir que le dernier bâtiment étudié avait été fouillé après l’installation de la station météo, car la couche de sable blanc qui s’est accumulé sur le site après le départ des naufragés, y avait disparu.

Baignade
Nous nous trempons un peu dans l’eau de temps en temps, plutôt que nous nous baignons, car la baignade reste dangereuse en particulier si le vent est fort.

Triangulation
Cette triangulation est faite par le théodolite (en 3 dimensions) et aussi manuellement avec un mètre ruban (en 2 dimensions). Cela consiste à partir d’une base connue (deux poins fixes dont on connaît la distance et l’orientation) de placer de proche en proche d’autres points. Pour cela il suffit de mesurer la distance du point à placer par rapport aux deux extrémités de la base. Sur le plan dessiné le point en question se trouvera à l’intersection des deux cercles ayant les extrémités de la base comme centre et pour rayon les distances correspondantes mesurées.

Les recherches sur les bords dégagés récemment de la piste d’aviation, visaient moins l’histoire des esclaves de l’Utile que les vestiges des deux autres naufrages qui se sont produits sur l’île. En 2008 nous avons trouvé une assiette au milieu de l’île.

Têtes de tortues ?
Pour l’instant nous n’avons pas vraiment d’idée, si vous en avez nous sommes preneurs.

Le marteau étrange.
Nous n’avons pas encore prélevé le marteau en question, mais son origine reste encore mystérieuse, ce pourrait être un élément d’une cadène (l’ensemble des ferrures qui servent à fixer les haubans sur la coque du navire).
La disposition des plaques de « beach rock » verticales à la base des murs puis horizontales, semble correspondre à une tradition malgache de construction des tombeaux, transposée ici pour la construction des bâtiments d’habitation.

Le Commander Parker est le capitaine du HMS Pantaloon (un navire de la Royal Navy basé au Cap de Bonne Espérance) qui aborde sur l’île en 1851 et en fait une brève description.

Les bébés.
Il est très difficile de répondre à cette question. Posez vous la question à l’envers : qu’est ce qui permet de déceler qu’un bébé a habité quelque part ?

D’où viennent les courlis.
Les courlis sont des oiseaux migrateurs, ils peuvent avoir été détournés de leur trajectoire initiale et avoir trouvé l’île de Tromelin sur leur route et s’y être arrêté. L’un deux qui a été nourris par les météos semble trouver la situation enviable même si ses longues pattes et son long bec ne servent pas à grand-chose ici.

Sépultures
La question de leur localisation reste entière.

Les objets récupérés par les météorologues en 1954.
Un certain nombre d’objets trouvés sur l’île (et peut-être sur le site archéologique) ont été ramenés à Madagascar (à l’époque, météo et armée de l’Air y étaient basés), les recherches menées par Bako sont restées vaines à ce jour.

Nous attendons vos prochaines questions

Bien cordialement

Max
BERTHAUT-CLARAC
 
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