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Canons non identifiés de Rochefort

Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 10 Février 2010 22:01

Bonsoir, Max.
je cherche depuis des années la provenace des deux canons de bronze qui ornent l'entrée du SHM Rochefort. Je vous joins quelques photos.
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Ce qui est certain c'est que ce sont des prises de guerre du Second Empire. Ce qui est aussi certain, c'est que ces canons ne sont pas européens. En gros, les quelques marines de l'époque (France, Angleterre, Espagne, Italie, Turquie, Russie, leurs satellites ou petits pays produisaient et utilisaient les mêmes types de canons, bien répertoriés). Ce n'est qu'après, avec l'artillerie rayée et se chargeant par la culasse que l'on vit les différences, d'affûts, de freins, de verrouillages de culasse, de systèmes de visée ou de percussion...
Il s'agit pour les canons de Rochefort d'un canon se chargeant par la bouche et d'un autre sans doute pouvant se charger par la culasse (celui-là a la culasse percée, sans qu'on remarque un système de fermeture, autre qu'une obturation par vis, puisque le dit canon est doté de filets de vis. IIs semblent dater du milieu du 19° siècle. L'identification est difficile. Au SHM Rochefort Marc Fardet m'avait dit qu'il avait autrefois vu une note qui indiquait la provenance des deux canons mais qu'elle avait depuis disparu...Une autre chose est sûre, mais elle n'apporte aucun indice de plus, ces canons étaient entreposés sur le Terre-Plein de l'Artillerie vers 1900: une carte postale de l'époque le prouve.
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Mais j'essaie d'exploiter une caractérique de ces canons inconnus, caractéristique que l'on retrouve sur la photo d'un canon d'un Musée du Japon (malheureusement non identifé) Il s'agit d'une saillie en forme de cube, ornée d'une glissière transversale, sans doute destinée à la visée. Fait à noter, le canon du musée japonais porte les mêmes saillies cubiques J'ai l'intuition que ces canons sont d'Extrême-Orient. Et j'ai le choix entre trois pays, où la marine du Second Empire s'illustra, l'expédition de Chine de l'amiral Charner, l'e bombardement de Shimonoseki, Japon et la courte expédition de Corée de l'amiral Roze. En ces trois occasions, il y eût capture de canons. Certains purent parvenir à Rochefort...
Max, auriez-vous une idée sur l'origine de ces canons. Interrogé, Jean Boudriot dit que vers 1992, date après laquelle, il ne revint plus à Rochefort, ces canons n'étaient pas devant le SHM. Merci de me communiquer vos idées sur la question. Bien amicalement. Claude (Millé)
PS : Note sur les photos: deux photos du canon SHM se chargeant par la bouche, une du second canon se chargeant par la culasse, la parie culasse peinte en noir orifice de l'âme côté culasse ouvert, intérieur fileté, canon musée Japon (il pourrait être aussi coréen) avec les mêmes saillies cubiques, carte postale, l'un des deux canons du SHM (est par terre, en clair, au centre, devant). J'ai d'autres photos des deux canons.
max
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 10 Février 2010 22:03

Claude ;
Heureux de vous avoir de nouveau en ligne.
Je ne vais pas vous être d’une grande aide concernant votre canon de bronze.
Comme à vous, cela ne me dit rien à priori.
Tout au plus je peux faire deux remarques.
1 - Le fait que la pièce soit en bronze indique une pièce dont la fabrication précède les évolutions technologiques de la mi XIXe siècle, frettage et chemisage des pièces.
2 - La photo du terre-plein de l’artillerie montre que la pièce est entourée de pièces russes sans doute récupérées en Crimée. La pièce a-t-elle la même provenance ?
Cordialement
Max
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 10 Février 2010 22:06

Max,
merci pour votre prompte réponse. Question: pourquoi dites-vous que sur la carte postale cette pièce inconnue est entourée de pièces russes (j'en compte trois, identiques à un canon de fer posé par terre à côté d'une caronade, devant l'Hôtel de la Marine (Cheusses)? intuition ou certitude? Dans ce cas, quelle est votre source? J'avais moi aussi pensé à deux canons russes de Crimée ou Baltique (pourquoi pas de la côte sibérienne de Petropavslok, lors de l'attaque de Febvrier-Despointes du Kamchatka, en 1854? Cela expliquerait alors la similitude entre les systèmes de visée du canon du musée japonais et des deux canons du SHM, le canon du musée japonais étant dans ce cas un canon russe). Je pense que la clé du mystère est à Rochefort. Un cordial merci.
Claude
max
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 10 Février 2010 22:07

Claude,
Les canons russes sont reconnaissables au rétrécissement de la culasse, ce sont en réalité des canons chambrés (ce qui explique cette particularité). Les trois canons marqués d’un point rouge sur la carte postale sont de ce type qui s’appelle « Licorne » (celui de droite est moins sûr). Je suis « savant » sur ce point parce que nous avons trouvé une licorne en bronze sur l’épave de la Slava Rossii, naufragée sur l’île du Levant en 1780 et que je me suis documenté (photos jointes).
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Il y a actuellement une licorne en bronze très semblable sur le parvis des Invalides à Paris qui est dites provenir de Crimée. Une licorne en tout point identique se trouve à la Tour de Londres (n°182) et provient elle aussi de Crimée.
Peut-être les pièces figurant sur le cliché sont–elles en bronze auquel cas l’une d’elle aurait pu atterrir aux Invalides. Une autre pièce russe en bronze orne l’entrée du musée de la Marine à Toulon.
Cordialement
Max
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 10 Février 2010 22:09

Max,
Un grand merci pour ce petit cours d'artillerie, que j'ai apprécié, parce qu'ignorant les canons "licorne" (j'ai effectivement la photo de celui des Invalides, envoyée un jour par Robert Veccella) cela me conforte encore dans l'idée que les deux canons du SHM peuvent être russes, sur l'un d'eux, barbouillée de peinture noire, la culasse est aussi retrécie en diamètre. (chambrée).
Claude
max
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par veccella le 13 Février 2010 08:13

Max, Claude,

Gerard Piouffre donne les explications suivantes pour ces pièces d’artillerie :

(…)
À Rochefort, le département marine du Service historique de la défense présente deux canons de 14 cm fort intéressants, car ils montrent les premiers essais de culasses amovibles. Ces pièces en bronze ont reçu des filetages destinés à recevoir une culasse que l'on vissait après avoir introduit le projectile et la poudre. Le poids relativement important de la culasse et le grand diamètre de la partie filetée ne devaient guère faciliter les opérations. Il est également très probable que les filetages se sont détériorés rapidement à la suite d'inévitables fausses manœuvres. Le système a donc été rapidement abandonné, comme en témoigne la culasse soudée que l'on peut observer sur l'un des deux canons.
En 1849, l'Américain Ben Chambers fait breveter un système de vis axiale à filets interrompus permettant de fermer la culasse en lui faisant effectuer un huitième de tour. Sous l'impulsion du général Treuille de Beaulieu, ce système est adopté par la France en 1858. Il ne tardera pas à être installé sur toutes les pièces de gros calibre.
De son côté, la célèbre firme allemande Krupp met au point un système de fermeture à coin que l'on retrouvera sur les canons de petit calibre à tir rapide.
(…)
extrait de (page 138 et 140) : Gérard Piouffre, L’artillerie de marine des origines à nos jours, Taité de modélisme naval, J2P Editions, Heyreux, 2005.

Voir aussi l’article Gérard Piouffre « les canons de transition » in Bateau modèle, N° 52 de août septembre 2003 pp 59-64

Amicalement,
robert
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par MARSACD le 22 Février 2010 17:50

Bonjour,

Et merci pour toutes ces précisions.
Sans vouloir jouer les opportuns, je voulais juste donner deux mots sur les deux caronades devant le musée de Rochefort qui sont bien marquées, elles, de ANS, la forge des Festugière près de Périgueux dont on voit encore les hauts-fourneaux.
Si celà vous interesse, je suis à votre disposition (dans la mesure du possible) à propos de cet établissement et des autres du périgord pour toute information.
Faisant partie de l'association, je peux même, si le coeur vous en dit, vous organiser une journée de visite autour de "la route des canons". Je serais ravi de tous vous rencontrer et parler des passions que nous avons en commun.

Cordialement

Dominique MARSAC
dominique.marsac@free.Fr
http://laroutedescanons.free.Fr
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 13 Juillet 2010 22:15

Nous recevons des Pays-bas l'information suivante :
J'ai ecris un article sur les canons Japonais, ces deux canons sont avec certitude Japonais. Ils ont été pris par les alliés après la bataille de Shimonoseki en 1864. Les deux canons de Rochefort ont été fabriqué par les Japonais eux-même avant 1857/8. Au musée de l'armée à Paris il y a un autre canon Japonais de même provenance. Les canons pris ont été distribués à plusieurs pays.
Il est possible d'avoir plus de détails, si il y a des inscriptions sur les canons.
Pour en savoir plus sur la bataille de Shimonoseki http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Shimonoseki
Paul Verhoeven
Museum Bronbeek
Arnhem, Pays Bas
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 19 Août 2010 11:00

Claude Mille nous apporte quelques précisions. Il a reçu de Paul Verhoeven une photographie d'un canon semblable à ceux de Rochefort, se trouvant au Rotunda Museum de Woolwich (Angleterre)
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On distingue à côté de la pièce la culasse à vis qui manque au canon de Rochefort, la culasse est également en bronze, avec un long filetage.
Par ailleurs Claude M. indique que les canons japonais ont sans doute été ramené à Rochefort par la frégate mixte Sémiramis qui portait le pavillon du C.A. Jaurès. Elle avait participé avec la corvette Dupleix et l'aviso Tancrère au bombardement de Shimonoseji puis était rentrée en France, en passant par Yokohama, Nagasaki, Hong Kong, Saïgon, Batavia, St Denis de la Réunion, le Cap et l'île d'Aix. Elle est arrivée le 8 août 1865 à Rochefort. Il est quasi certain qu'elle y a apporté les canons.
Claude Mille
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Re: Canons non identifiés de Rochefort

Message par max le 30 Août 2010 21:20

Via Claude Mille nous recevons de Mr Julien du Musée de l'Armée les informations complémentaires suivantes:
Le musée de l’Armée conserve trois pièces prises lors des opérations menées dans le détroit de Shimonoseki ; elles ont les n° d'inventaire : N.717 (japonaise), N.732 et N.733 (chinoises).
Le canon N.717 a été offert au musée d’artillerie, le 1er janvier 1865, par le vice-amiral Jaurès (1808-1870), au nom des marins de la division navale des mers de Chine qu’il avait commandée, au cours des deux années précédentes. Il a ensuite été mis en dépôt au musée municipal de Chofu, Shimonoseki, Japon
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Le canon mis en dépôt au Japon

Caractéristiques :
L. 1,65 m ; calibre 87 mm (boulet de fer de 2.2 kg), poids estimé : 300 kg.

Historique du canon :
Ce canon appartenait aux troupes du daimyo du clan Choshu de la famille Mori dont le domaine était situé au sud de l’île de Honshu (actuelle préfecture de Yamaguchi) et leur château à Hagi. Le clan Choshu disposait de revenus solides octroyés par leurs possessions terriennes et leur participation à un commerce florissant. Il avait ainsi pu acquérir des pièces d’artillerie soit achetées à l’étranger, soit fabriquées sur place. Ce canon faisait partie de l’une des 14 batteries côtières défendant le détroit de Shimonoseki.

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Vue des batteries côtières disposées le long du détroit

Les pressions internationales visant à faire ouvrir le japon entraînèrent de profondes divisions entre les clans, le shogun et la cour impériale de Kyoto. Deux puissants domaines du sud, le clan Satsuma (famille Shimazu) et le clan Choshu (famille Mori) pressèrent le shogun de clore les échanges existants avec les étrangers (bien que faibles). Le dernier, le clan Choshu, prit l’initiative en 1863 et 1864 d’ouvrir le feu sur des bateaux étrangers qui passaient le détroit ; en représailles, deux expéditions punitives furent organisées, une en juillet 1863, l’autre une année après dans le but de réduire définitivement les canons au silence.

Elle rassembla quatre puissances :
Angleterre 9 bâtiments, 2850 hommes, dont 500 fusiliers-marins (vice-amiral Kuper)
Pays-Bas 4 corvettes, 951 hommes (capitaine de vaisseau de Man)
Etats-Unis 1 vapeur de commerce, 58 hommes
France 3 bâtiments, 1155 hommes

La flotte engagée comportait trois vaisseaux de guerre à vapeur :
- la corvette Dupleix (commandant Pasquier de Franclieu),
- l’aviso Tancrède (capitaine Pallu),
- la frégate Sémiramis, navire du contre-amiral Jaurès embarquant une compagnie du 3e bataillon d’Afrique.

L’attaque, débutée le 5 septembre 1864, dura trois jours ; un récit circonstancié en a été fait par l’aide-commissaire Alfred Roussin dans Une campagne sur les côtes du Japon, Paris, Hachette, 1866. Le débarquement de 2 600 soldats et marins étrangers survint le lendemain ; côté français, 350 fusiliers-marins placés sous les ordres du capitaine de vaisseau Le Couriault du Quilio se préparèrent à 7 heures le matin du 6 et débarquent vers 9 heures sur une petite plage, au pied d’un mamelon escarpé, couvert de végétation où se trouvaient les batteries d’artillerie du clan. L’amiral Jaurès lança le signal de marche ; les français pénétrèrent dans le premier ouvrage se composant de 2 batteries, la première armée de 6 pièces en bronze de 18 et 24 sur affût de côte à pivot et d’une pièce de campagne. La seconde batterie, immédiatement au-dessus, était armée au moyen de 5 pièces de côte. Toutes furent enclouées et mises hors service par le bris des écouvillons, les vis de pointage et le jet des coins de mire à la mer. Après la reddition des japonais, 70 canons de tous calibres furent saisis ; en bronze, la plupart avaient été fondus sur le territoire national, d’autres provenaient de l’étranger.
Le 20 septembre, Le Tancrède appareilla pour Shanghai et les autres navires français regagnèrent Yokohama par la Mer intérieure.
M.G.
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