Bonjour,
Les deux pièces d'artillerie figurant sur la photo ci-jointe (désolé pour la qualité de la photo, seule disponible) ont été mises au jour sur la côte nord du Finistère à la fin du XVIIIe siècle ou dans le courant du siècle suivant. Elles sont aujourd'hui conservées chez des propriétaires privés après avoir servi de bollards comme l'indique la corrosion plus importante de leur volée.
Selon une tradition bien ancrée, ces deux canons auraient été jetés par dessus bord par une frégate française, à l'issue d'un combat au début de la Guerre d'Amérique (1778-1783). Cette tradition repose sur "une attestation d'authenticité signée du premier vendeur, héritier de l'inventeur"...
L'examen attentif des pièces conduit à remettre en question cette version.
Tout d'abord il s'agit bien de canons dont les faibles dimensions (longueur : 1 220 mm, diamètre des tourillons : 60 mm) sont supérieures à celles de pierriers. Le calibre de 70 mm est également supérieur à celui des pierriers ; ces derniers sont de plus dépourvus d'anneau de brague. Les canons de marine français n'étant pourvus d'un anneau de brague qu'à partir des années 1820, il n'est pas impossible que ces canons soient anglais, à moins qu'il ne s'agisse de canons produits pour un armateur privé, sur le modèle de canons anglais à anneau de brague, ou encore de canons privés anglais. Ces pièces en fonte pèsent respectivement 107 et 109 kg.
Si ces canons sont anglais, l'absence des armes britanniques surprend puisqu'elles figurent en général sur le dessus de la volée ou du second renfort des canons de la Royal Navy. Cette absence ne permet pas de déterminer précisément l'origine de ces pièces. Toutefois, certaines dispositions plaident en faveur d'une origine anglaise : l'astragale de bouton et le renfort de la lumière rappellent les dispositions des canons anglais de type Blomefield. Actif en tant qu'inspecteur général de l'arsenal de Woolwich à partir de 1782, il est à l'origine de modèles de canons entrés en service dans le courant des années 1780. Donc à une date trop tardive au regard de la tradition locale qui évoque les premiers mois de la Guerre d'Amérique (1778).
Le calibre des canons correspond a priori à une pièce anglaise de "3 pounder" (diamètre de 73,99 mm, projectile de 1,360 kg). Le système conçu par Blomefield comportait un canon de fonte de calibre "3 pounder" dont la longueur était de 1 371 mm. Un autre type de canon de calibre "3 pounder" mesurait 1 066 m. Aucune de ces dimensions ne correspond aux canons immergés.
Ceux-ci pourraient donc être anglais et il n'est pas impossible qu'ils aient armé un navire de la Royale puisque l'emploi de canons de prise se pratiquait.
S'il s'agit bien de canons de type Blomefield, leur apparition trop tardive ne permet pas de les relier à l'histoire de cette frégate. Peut-être que les archives du Service historique de la Marine apporteraient des informations précises sur l'armement de ce navire. Cette piste n'a pas été explorée à ce jour. Quoi qu'il en soit, les frégates du type de celle évoquée par la tradition étaient armées de 26 canons de 12 livres et 6 canons de 6 livres et ne portaient donc pas de canons de 3 livres. A ma connaissance, la Marine française n'employait pas de canons inférieurs au calibre de 4 livres à cette époque.
Voilà l'état des réflexions sur ces pièces d'artillerie. N'étant pas spécialiste, je les livre aux lecteurs de ce forum avec l'espoir que leurs connaissances permettront de compléter le dossier.
D'avance merci !
JYB
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