Le Cardinal Duc de Richelieu reçut en 1626 la charge de Grand Amiral. Il supprima cette dernière pour se faire donner en 1627 celle de Grand Maître Surintendant du Commerce et de la Navigation, charge qu’il conserva jusqu’en 1642.
« Ayant eu commandement du Roi de faire fondre quantité de canons » il prit en main le ravitaillement en armement de la flotte qu’il recréait. Son système consistait en achat sur le marché principal en particulier la Hollande.
En 1626 il créa une fonderie au Havre ; en 1630, 50 pièces y furent coulées
En 1627 Une fonderie est créée à Brouage, mais ne semble pas avoir eu une grande activité.
La même année Richelieu passe commande de 300 pièces de canon de fer à Herman Nerondolphe (en Hollande ?)
En 1628, par l’intermédiaire de l’Ambassadeur de France, il passe commande pour la marine, à Gentillot son agent en Hollande qui est aussi fondeur et entrepositaire, de 60 pièces d’artillerie de fonte pour la somme de 10 000 écus, portant : «les armes de Sa Majesté et pour devise ces mots : « Ratio Ultima Regum » ....Vous ferez mettre aussi au-dessous des armes du Roy ces mots : « Cardinal de Richelieu » et une ancre pour montrer que c’est pour la mer , ayant un pouvoir exprès de Sa Majesté sur ce sujet, qui veut, par ce moyen empêcher que les canons faits pour la mer ne soient employés à d’autres usages. Je me promets que vous tiendrez volontiers la main à ce que cela s’exécute comme il faut. Vous verrez, s’il vous plaît, avec les fondeurs, où l’ancre sera mieux placée. On m’en renvoie un projet auquel vous ajouterez ou diminuerez selon que, par l’avis de gens à ce connaissant vous trouverez être pour le mieux »
Ces approvisionnements sont expédiés soit au Havre soit à Brouage. A Saintes, Richelieu fait installer le fondeur La Tâche auquel il donne en 1627 ses provisions de « Fondeur de la Marine ». Cette fonderie était spécialisée dans les fontes de bronze.
Deux canons sortis de la fonderie du Havre sont connus.
1 – Un canon de 12, fondu en 1636 par Jean de Guindertal se trouve au Musée des Invalides.
D’une longueur de 273 cm , il porte sur la volée le L couronné caractéristique du règne de Louis XIII, deux dauphins et sur le renfort de culasse, les armes de France et de Navarre couronnées entourées des colliers des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel, la date de 1636 et le nom de Cardinal de Richelieu de part et d’autre d’une ancre de marine.
Canon du Musée de l’Armée
2 – Un canon de 8, fondu en 1636 par Jean de Guindertal se trouve à la Tour de Londres.
Longueur : 274,3 cm (Longueur hors tout : 292,1 cm), poids 1206,5 kg, calibre 11 cm.
Canon de la Tour de Londres
Comme le canon des Invalides, il porte sur
la volée le L couronné caractéristique règne de Louis XIII, deux dauphins et sur
le renfort de culasse, les armes de France et de Navarre couronnées entourés des colliers des ordres du Saint-Esprit et de
Saint-Michel, la date de 1636 et le nom de Cardinal de Richelieu de part et d’autre d’une ancre de marine.
Le poids en curtow, quarter, livres est gravé en dessous : 23 – 3 – 0
Il porte sur la plate bande de culasse l’inscription : IOHANNES * DE GVINDERTAL * ME FECIT AV HAVRE DE GRACE.
Le logement du fronteau de mire n’a pas été percé.
Ce canon trouvé à l’embouchure de la Tamise à Sea Reach en 1961 a été offert à la London Port Authority. Le fait que le poids soit gravé selon la méthode anglaise semble indiquer que cette pièce d’artillerie était une pièce capturée et montée sur un navire anglais .
3 - Le canon N° N 341 du Musée de l’Armée.
Musée de l’Armée – Canon N 341
Nous ne disposons pas encore des caractéristiques de cette pièce que nous avons demandées à la conservatrice de l’artillerie au Musée de l’Armée.
L’inscription portée par le tourillon droit : P 1780, indique comme c’est l’usage, le poids en livre de la pièce. Sur la gravure d’Octave de Rochebrune le chiffre 1 a la forme d’un J, mais le chiffre 872 inscrit sur la volée confirme notre interprétation puisque 1780 livres de 0,48951 kg font exactement 871,327 kg.
En l’absence d’autres informations le calibre semble donc être de 6 livres : diamètre du boulet : 90 mm, calibre de la pièce : 95 mm.
La décoration particulièrement soignée de cette pièce est la suivante :
Tulipe : Une frise formée de personnages debout entourés de feuillages et la mire de pointage
Volée : deux ancres croisées sur un rameau d’olivier et un bandeau portant l’inscription : « ARMAND
CARDINAL DUC
DE RICHELIEU »
Le chiffre 872 inscrit en travers indique le résultat d’une pesée effectuée après l’adoption du système métrique.
Deuxième renfort : Deux anses en forme de dauphins
Premier renfort (culasse) : Armes du Duc de Richelieu
La lumière est incluse dans un bandeau décoré en avant de la plate bande de culasse.
Plate bande de culasse : Décor et guidon.
Cul de lampe et bouton : Le bouton représente une tête de femme dont les cheveux sont retenu sur le dessus de la tête par un cordon, les cheveux longs et les épaules formant le cul de lampe
Les astragales de volée et celles qui entoure le deuxième renfort (deux en avant et deux en arrière) sont richement décorées de motifs floraux.
Le canon du Musée de l’Armée porte le nom de Richelieu. Il pourrait faire partie soit de la commande initiale soit des fabrication du Havre ou de Saintes. La présence de deux ancres croisées indique qu’il s’agit d’une pièce de Marine. Ce motif : deux ancres croisées et le bandeau portant le nom du commanditaire est plus proche du décor des canons ultérieur (voir ci-dessous) et pourrait signifier qu’il s’agit d’un canon plus tardif que les deux autres.
Compte tenu de la richesse de sa décoration, cette pièce pourrait avoir fait partie d’une commande particulière et avoir été spécialement destinée au Cardinal de Richelieu.
M.G.