A la demande du conservateur du Musée d'Histoire de Marseille, nous avons examiné un canon dont la datation et l'origine n'étaient pas bien déterminées. Ce canon a été découvert en mer en 1967, près de l'îlot Gaby près de Marseille.
Voici la réponse qui a été adressée au Musée :
Canon du musée d’histoire de Marseille.
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Figure 1 - Photographie du canon du Musée d'Histoire de Marseille.
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Figure 2 - Dessin du du canon du Musée d'Histoire de Marseille.
Les documents photographiques ne sont pas très bons et je doute un peu de la fidélité du dessin.
Au premier coup d’œil l’élément le plus caractéristique est la forme tronc conique des tourillons. Cette forme de tourillon n’est plus utilisée après le tout début du XVIIIe siècle.
Pour la France par exemple le dernier modèle règlementaire ayant cette caractéristique date de 1700. D’une manière générale les tourillons tronc-coniques datent une pièce d’artillerie du XVIIe siècle.
Avant d’examiner plusieurs détails, on peut remarquer que la pièce à une forme conique assez régulière qui la distingue par exemple des pièces anglaises ou françaises sur lesquelles les renforts sont prononcés.
A priori trois autres caractéristiques peuvent nous aider à préciser l’origine de cette pièce :
- La forme de la bouche.
- La forme du bouton de culasse.
- La disposition des moulures
La forme de la bouche se rapproche des formes anglaises mais est plus anguleuse.
La forme du bouton sphérique à l’extrémité mais rattaché au cul de lampe par un manchon plutôt cylindrique oriente la datation plutôt vers le XVIIe ou le début du XVIIIe.
La disposition des moulures, celles en particulier qui encadrent les tourillons, ne se rencontre que sur certaines pièces suédoise appelées du nom générique de finbanker datées de la seconde moitié du XVIIe siècle et du XVIIIème siècle.
La fonderie suédoise dont l’établissement principal se trouvait à Finspong prit une grande importance lorsque Louis de Geers né à Liège aux Pays-bas en 1587, financier et négociant en métaux, obtint en 1628 le monopole du Roi de Suède pour la fabrication des canons.
Le type de canon fabriqué est assez répandu dans la mesure où les fonderies suédoises ont fourni des compagnies comme la VOC (Compagnie des Indes orientales hollandaise) mais aussi de nombreux pays d’Europe.
L’épave du Queen Anne’s Revenge, coulé en Caroline du Nord (USA) en 1718 a permis de mettre au jour un canon (QAR 3) très semblable à celui du Musée d’histoire de Marseille. Ce canon considéré comme un six-pounder, soit du calibre de 99 mm, mesure 7 pieds ou 227 cm de la tranche de bouche à l’arrière de la culasse. L’analyse effectuée par Mme Ruth Brown (Ancien conservateur de la Royal Armouries de Londres) date celui-ci entre 1660 et 1719 et pense qu’il a plus probablement été fondu entre 1675 et 1700.
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Figure 3 – Canon du Queen Anne’s Revenge (1718)
Le canon du Musée de Marseille est très probablement un canon de 3 livres d’un calibre de 74 mm mesurant 6 pieds de long soit 1949 cm, un canon relativement long pour son calibre (normalement la longueur des canons de 3 livres est limitée à 4 pieds 6 pouces). En général le diamètre du tourillon est très proche du calibre toujours difficile sur un canon ayant séjourné dans l’eau. Il serait intéressant, ce qui n’est pas fait sur le relevé dont vous disposez, de mesurer le diamètre des tourillons à leur base. Celui-ci devrait être très proche du calibre.
Les finbankers porte souvent la lettre F sur le tourillon droit, il serait intéressant de voir si des éléments de cette initiale subsistent. Ci-jointe une photo du tourillon d’un canon que j’ai photographié récemment sur les rives du canal du midi à Poilhes.
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Figures 4 et 5 – Canon de Poilhes (Hérault)
Onze canons du même type que QAR3 ont été mis au jour sur l’épave de la frégate danoise Mynden également coulée en 1718 en Mer Baltique, ces canons qui mesurent 190 cm de long portent un F sur le tourillon droit. Je n’ai pas les mesures exactes de ces canons.
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Figure 6 – Canon Finbanker du Mynden (1718)
Un canon suédois provenant de la même fonderie avec un C sur le tourillon se trouve dans les collections de la Royal Armouries à Londres n° XIX. 225 d’un calibre de 18 livres (140 mm) il est daté de la fin du XVIIe siècle.
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Figure 5 - Canon XIX 225 de la Tour de Londres
M.G.